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Le jardin de ciment de Joseph Meray

752 Rue Camille Delacroix, 62155 Merlimont, France

Joseph Meray (1923- 2019) - Visites en mars en 2020 et décembre 2022

La maison se situe sur une route principale qui mène à la mer. Nous apercevons depuis la route trois sculptures animalières à l'avant de la façade: un éléphant, une vache ainsi qu'une biche quelque peu en retrait. Bien que visiblement manquant d'entretien, elles sont encore en bon état. Il semblerait qu'il n'en reste plus autant que sur les photographies présentes dans Le guide de l'art insolite Nord/Pas-de Calais de Francis David datant de 1984. Marie Meray sort de la maison pour venir à notre rencontre. Malgré une situation sanitaire guère propice aux rencontres, elle tint à nous accueillir chez elle sitôt notre intérêt pour l’œuvre de son mari révélé.

Marie Meray sort de la maison pour venir à notre rencontre. Malgré une situation sanitaire guère propice aux rencontres, elle tint à nous accueillir chez elle sitôt notre intérêt pour l’œuvre de son mari révélé. Elle nous entraîne vers l'arrière-cour et nous montre d'autres réalisations «sauvées» des vols intempestifs. Elle nous confie que jadis, l'allée attenante à la façade de la maison était embellie de diverses sculptures. Il suffisait juste d'enjamber la mince barrière en pierre séparant le jardin du trottoir pour atteindre ces œuvres dont certaines, des lapins et des tortues, furent dérobées ou vandalisées. Par mesure de précaution Marie Meray décida de retirer les créations les plus légères et de les entreposer à l'arrière dans une cour fermée.

Marie se propose de nous montrer les sculptures en bois de son mari, exposées dans la maison dans leur modeste demeure. Elle s’enthousiasme devant la double page que consacre le Guide de l'art insolite Nord/Pas-de-Calais/Picardie à l'environnement de feu son époux. Nous décidons de lui offrir ce recueil dont elle ignorait l’existence.

Marie venait de perdre son mari à l'âge de 96 ans en décembre 2019 et peinait à se remettre de cette douloureuse absence. Elle vit désormais seule dans cette maison, entourée par toute sa famille, enfants, petits enfants qui viennent la voir très régulièrement et leur a légué quelques sculptures. Fière des accomplissements de son mari, elle aimerait qu'on écrive et documente davantage sur son vécu si peu commun:

Au décès de ses parents, Joseph fut placé dans un orphelinat catholique à Arras et séparé de ses frères et sœurs. Les curés de l'asile emmenaient les enfants passer leurs étés à Merlimont et c'est à cette occasion que les prédispositions artistiques du jeune Joseph se firent rapidement connaître. A l'occasion d'un concours de sculpture sur sable sur la plage de Merlimont, il modela un éléphant, allongé sur le flanc, qui lui permit de remporter le premier prix: une voiture! "C'était extraordinaire pour l'époque!" s'exclama sa femme. A sa majorité, il suivit une formation de tailleur à Arras. Il exerça ce métier quelque temps mais ne put rivaliser avec le développement de la confection textile industrielle. Il travailla par la suite à la tuyauterie d'Arras. Nostalgique de ses joyeux étés à la plage de la Grotte de Notre Dame de Lourdes à Merlimont il décida d'en faire son point d'ancrage et s'y installa peu après son mariage avec Marie. Il retrouva un frère, des années plus tard, dans des circonstances exceptionnelles: Un jour que le couple Meray se rendait dans l'épicerie d'un bourg voisin, la vendeuse fut frappée par l'incroyable ressemblance entre Joseph et un de ses clients réguliers. Intrigué, le couple Meray décida de partir à la recherche de cet homme avec le vague espoir de retrouver un parent dont Joseph avait été arraché à sa plus tendre enfance. Il se retrouva nez à nez avec son frère, des années après leur séparation, et tombèrent dans les bras l'un l'autre. Ils se ressemblaient trait pour trait et cette identification fortuite (mais fort juste) avait permis ces retrouvailles.

Un chien né d'un souche en bois

Joseph construisit presque entièrement cette maison de façon parfaitement involontaire. Alors que le couple Meray, résidant encore à Arras, attendait que leur maison de Merlimont, achetée sur plan, soit livrée conformément au contrat de construction qui avait été scellé, il reçut un appel du promoteur (une connaissance de Joseph), lui annonçant que la maison était prête. Le couple ne tarda pas à réagir et loua un utilitaire pour venir s'installer à Merlimont (les deux villes sont à 100kms l'une de l'autre). Arrivés sur les lieux, Joseph et Marie découvrirent avec atterrement une maison en chantier dont la toiture n'avait même pas encore été posée. Lorsqu'il se retournèrent contre le promoteur, celui-ci, terriblement affligé, leur révéla qu'il s'agissait en réalité d'un poisson d'avril. Joseph n'eut d'autre choix que de s'atteler à ce chantier considérable afin de loger au plus vite sa petite famille. La maison construite, il se mit à décorer l'extérieur et réalisa des sculptures animalières en ciment. Pour cela, il confectionnait une armature en fil de fer et en grillage qu'il emplissait ensuite de papier. Il posait des couches successives de ciment sur la structure qu'il modelait de cette façon. Joseph n'avait pas besoin de se servir de modèles préalables à la réalisation de ses sculptures. Ce fut un joyeux passe temps qui ne le quitta plus. Il se livra ensuite à la sculpture sur bois. "Il ne savait pas rester sans rien faire. Il fallait tout le temps qu'il s'occupe." nous confie Marie.